NUMÉRO DE DUETTISTE

Rarement la visite d’un chef d’État n’aura été aussi lourde de sens et de conséquences comme celle de Benoît 16 en France.

Une visite bien orchestrée et sans précédent dans l’histoire de la cinquième République avec d’un côté un Sarko plus papiste que le Pape, et de l’autre un Pape plus laïque qu’un français qui n’aurait pas oublié les Évangiles de Jean et de Mathieu et  les célèbres versets rappelant que le Royaume de D’ieu n’est pas de ce monde (Jean 18:36) et qu’il faut rendre à César ce qui est à César et à D’ieu, ce qui est à D’ieu (Matthieu 22:21).

On se croirait dans un commissariat de police avec dans le rôle du gentil, le Pape, dans le rôle du méchant Sarkozy, et dans le rôle du suspect la laïcité.

Sarkozy n’en est pas à son coup d’essai. Déjà lors de son discours de Latran en décembre 2007, puis lors de son discours de Riyad en janvier dernier, on voyait s’ébaucher un Nicolas Sarkozy fort préoccupé des questions religieuses et qui s’adressait de manière surprenante à une « communauté de croyants » au dessus des Etats alors qu’il parlait devant une assemblée politique.

Si donc dans le passé récent Nicolas Sarkozy innove, aujourd’hui il fait preuve de plus grande imagination encore en ayant un sens aigu de la formule puisque l’expression ad hoc employée est « laïcité positive ». J’ignorais que les législateurs de 1905 avait élaboré une laïcité négative, mais après tout qui veut se débarrasser de son chien...

C’est à se demander exactement ce qu’est la laïcité.

Alors pour ceux qui comme moi perdent leur français quand Benoît retrouve son latin, rappelons que la laïcité n’est pas l’antireligieux mais l’areligieux. Autrement dit, la laïcité est la séparation du fait religieux et du fait de l’État. La croyance religieuse n’est ici absolument pas prohibée au niveau personnel et privé mais absente du domaine public. Elle serait négative si elle était niée (pardon de l’évidence mais parfois l’étymologie s’avère nécessaire) or elle n’est que séparée, retranchée du domaine de l’État. Elle n’est d’autant pas exclue ou interdite qu’elle assure exactement le contraire c’est-à-dire la liberté de pensée et la liberté de culte. Une garantie donc autant pour les minorités religieuses que pour les agnostiques.

Mais comment peut-on s’attaquer à ce grand principe républicain sans déclencher les foudres ? Et bien tout simplement en prétendant vouloir le modifier et non le supprimer. Sarkozy ne va pas remettre en question ce grand principe républicain mais le positiver...

Certes, les attaques à la laïcité ont toujours existé. L’Église n’a jamais baissé les bras et a toujours tenté de reprendre le pouvoir. Mais la différence aujourd’hui c’est que c’est le propre Président de la République française qui se fait le relais et le porte-parole du Vatican. Certains me feront remarquer que si la laïcité est un des piliers de la démocratie, il n’y a rien d’étonnant à ce que notre Napoléon version 21e siècle s’en prenne à elle, dans la droite ligne de toutes les dictateurs en herbe qui pour s’assurer d’une certaine légitimité vont chercher là haut ce qu’il ne trouve pas ici bas.

Mais de là à entendre un Président français expliquer que la religion a une « fonction dans la formation de la conscience » laissant entendre que seuls les religieux seraient détenteurs de  la notion du bien et du mal, du licite et de l’illicite, on croit rêver. On croirait entendre certains imams de banlieue.

Bel hommage rendu aux intégristes que de leur piquer leur recette.

Il n’est pas le seul à copier les oulémas de l’obscurantisme. Le Pape lui-même explique qu’il faut lutter contre le « subjectivisme religieux » (entendez par là, l’interprétation individuelle des Écritures) et privilégier l’enseignement dirigé par une autorité. Une sorte de confiscation des Évangiles par l’Église à l’image de la confiscation du Coran par les islamistes qui dépossèdent les musulmans de leur Livre pour mieux diriger les esprits.

Rien de nouveau sous le soleil de Satan ! Déjà au Moyen-âge la lecture des Évangiles était interdite aux fidèles et les prières étaient dites en latin. Finalement rien ne vaut davantage que les vieilles méthodes qui ont fait leurs preuves.

Mais si l’on comprend bien l’intérêt de l’Église qui cherche à reconquérir un pouvoir perdu et retrouver son influence dans un pays qui ne s’avoue catholique qu’à 51% alors que les statiques atteignaient près de 70% dans les années 80, on a peut-être plus de mal à voir où veut  en venir notre si médiatisé Président.

Plantons le décor pour y voir plus clair. Nous y voyons un Président très mal à l‘aise dans un costume taillé par un couturier du Sentier.

D’un côté ses prétendues origines juives dont la presse communautaire s’est faite échos. Puis le vote massif des juifs en faveur de Sarkozy facilité par les sympathies arabes de Chirac et ses sautes d’humeur lors de son voyage en Israël, les déclarations antijuives de Ségolène Royale et l’absence de prise de position de Bayrou dans les conflits du Moyen Orient. 

Nous avons ensuite les déclarations du ministre algérien Mohamed-Cherif Abbas qui qualifiait Sarko de Président du lobby juif.

Et enfin son mariage avec Carla Bruni Tedeschi dont le grand père serait également juif.

C’en est trop bien sur, et il fallait absolument que le Président lave son image. La pureté spirituelle compenserait largement cette impureté de sang.

Il commence alors son entreprise de nettoyage.

Il ne soutient pas Enrico Macias et rend visite à Bouteflika (novembre 2007) dont la parole ne pèse pas plus lourd qu’un château de carte face au souffle des bombes des intégristes.

Il ne soutient pas non plus le journaliste juif Gidéon Kouts, membre de la délégation de journalistes qui devait accompagner Nicolas Sarkozy au Liban et qui se voit annuler sans raison son visa (juin 2008) sans que l'Association de la presse présidentielle ne proteste, même pour la forme.

On le voit ensuite faire le signe de croix pendant les cérémonies funèbres des militaires tués en Afghanistan (septembre 2008). Depuis de Gaule on avait pas revu un représentant de « tous » les français faire étalage publiquement de ses croyances religieuses. Même Carla s’y met et arbore depuis quelques semaines une jolie croix en or autour du cou.

Et pour finir, le Président Sarkozy, accueillant en grandes pompes le Pape, qui se livre à un numéro de duettiste digne des plus grands classiques du cirque. Et qu’on ne dise pas qu’il veut spiritualiser les problèmes de société en redonnant la parole aux religieux en général parce que le Dalaï Lama a été reçu bien discrètement.

Alors, comme il se donne tant de mal le petit Nicolas pour crier haut et fort qu’il n’est pas juif, il faut le lui concéder,   même s’il n’est pas toujours facile de reconnaître que la judeité ne résiste pas plus de deux générations à un mariage mixte. 

 

Si Sarko sauve le Pape que D’ieu sauve la République comme on chantait antan sur les bancs des écoles publiques, car elle est en grand danger.

 

 

Septembre 2008

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