LES ORIGINES DE NOS PATRONYMES

Depuis l'accession à l'indépendance des pays du Maghreb, les liens entre juifs et musulmans se sont soit distendus (Maroc, Tunisie), soit quasiment rompus (Algérie).

 
Il en résulte que les nouvelles générations de juifs originaires de ces pays, ont peu d'attaches avec les pays où ont vécu leurs parents. Pour la plupart d’entre eux, le sens des noms qu'ils portent leur échappe totalement; pourtant ils font partie de leurs racines nord-africaines dont les plus anciennes datent de plus de deux mille ans.


Afin de rechercher les origines des patronymes de notre famille, je ferai appel à l’histoire, à la Torah et aux ressources des langues hébraïque, arabe, et berbère.

 

L’abréviation P.D.A. Signifie “première date d’apparition.

AMRAM

Amram - hébreu : עַמְרָם - arabe :عَمْرَم - est un prénom hébreu. Ce personnage est présent dans la Bible comme dans le Coran.

 

D'après la Bible (Exode VI: 20), il appartient à la Tribu des Lévy. Il est le fils de Kehath, le mari de Yokébed et le père de Aaron, Myriam et le prophète Moïse.

 

D'après le Talmud, c'est lui qui promulgua les lois du mariage juif et du divorce alors que les Hébreux étaient esclaves en terre d’Egypte.

 

Originaires d’Espagne, expulsés de la péninsule en 1492, les Amram se réfugient en Algérie où ils resteront jusqu’aux années 1950.

 

La transcription des noms sur les registres d'état civil au cours du recensement par l'administration française après le décret Crémieux (1870), variaient en fonction des fonctionnaires francophones peu habitués à la prononciation des langues sémitiques. Les erreurs furent donc nombreuses autant pour ce qui est de l’orthographe que pour l’ordre du nom et du prénom. Ce fut le cas pour les Amram qui à l’origine s’appelaient Peretz. En 1870, le prénom assez répandu Amram (ou Benamram) devient nom de famille et le patronyme Peretz devint prénom.

 

P.D.A. : Le rabbi Amram de Grenade est un correspondant de Simon b. Semah Duran, (Simon Duran est mort grand rabbin d’Alger en 1442.

 

 

TOUITOU

Zone de Texte: Pour les Touitou il serait également vain de chercher une orthographe exacte du patronyme. On retrouve donc plusieurs variantes à Touitou comme Touati ou Toati. Les Touitou sont originaires du mont Touat et faisaient partie d’un Empire formé d’une population : 
venue d’une première immigration en 70,
venue d’une deuxième en 115, 
venue d’une troisième en 132, toutes provenant de Jérusalem, 
de berbères judaïsés entre le 3ème et le 5ème siècle,
de juifs expulsés d’Espagne et du Portugal de 1391 et 1492.

Reprenons en détail :

Il semblerait que des juifs auraient suivi les Phéniciens fondateurs de Carthage. Après la destruction du Premier Temple et surtout celle du second Temple par Titus en 7O, des dizaines de milliers de Juifs auraient été déportés ou auraient émigré vers la Cyrénaïque puis vers le Maghreb occidental. 

Une autre vague d’immigrants juifs suivit l’échec de la révolte juive de Cyrénaïque (115-116 après l’E.V.) puis la défaite de la Révolte de Bar-Kokhba (132-135). 

Naît alors l’Empire juif du Touat. Un Empire confectionné par plusieurs villes confédérées établies dans les grandes palmeraies. 

Ces juifs de la deuxième migration, en quête de paix et de repos, après les massacres perpétrés par les troupes romaines en Cyrénaïque s’installent donc dans ces oasis, lieux de rencontres des caravaniers qui traversent le désert du nord au sud et de l’est à l’ouest, lieux privilégiés pour les échanges commerciaux, des lieux devenus prospères. 

Ces hommes construisent des systèmes d’irrigation sophistiqués, les foggaras, ils creusent des puits. Dès le second siècle, les juifs introduisent et domestiquent le dromadaire venu d’Orient.

Selon certains historiens comme Ibn-Khaldoun (14° siècle) et le Grand Rabbin d’Alger, Maurice Eisenbeth (1936) (thèse reprise par le Musée Juif des Origines de Tel-Aviv - Beth Hatefoutzot -), il est probable que cet Empire juif prospère ait alors pratiqué un certain prosélytisme, convertissant d’autres tribus berbères (et notamment les tribus nomades refoulées vers le désert saharien par la colonisation romaine). On en trouve notamment témoignage dans les écrits de Tertullien au 3° siècle et de Saint Augustin au 5° siècle, qui s’indignent de ces conversions berbères au judaïsme. 

Ces tribus berbères étaient installées depuis très longtemps en Afrique du Nord. Les écrivains arabes font remonter leur origine à Goliath le Philistin et évoquent l’émigration des Canaanites. Des récits talmudiques et rabbiniques, dont les sources remontent au I° siècle de notre ère, font état, en effet, d’une migration volontaire des habitants de Canaan vers l’Afrique du Nord après la conquête de Josué. Procope, historien byzantin du 6° siècle, cite une inscription phénicienne à Tigisis (aujourd’hui, Aïn-El-Bordj, à 50 km au sud-est de Constantine) affirmant : " C’est nous qui avons pris la fuite devant ce bandit de Josué ". Ibn Khaldoun reprend cette affirmation : "Les Berbères sont les enfants de Canaan, fils de Cham, fils de Noé ". Il s’agit probablement de légendes qui ont été entretenues tout au long de la domination carthaginoise et rendues plausibles par la proximité de la langue punique et de l’hébreu.

Mais deux siècles plus tard, lorsque Bélisaire prend le contrôle de l'Afrique du Nord, il applique avec cruauté les Édits de Justinien (532) et les massacres et conversions forcées se succèdent. Cependant le Royaume subsiste. Il accueille les voyageurs, les réfugiés, et l’envahisseur venu de la péninsule arabe au 7º siècle, lui aussi surpris de rencontrer dans un milieu si lointain le « peuple du Livre et de la Torah ».

Petit à petit les juifs deviennent minoritaires, perdent le pouvoir au profit des musulmans, puis, des communautés entières de juifs sont massacrées. On parle de la destruction et de l’écrasement des juifs de Tamentit et de Gourara.

La reine juive Kahina qui avait réunifié les tribus d’Afrique du nord oriental et du sud est la dernière à s’opposer à l’avancée des arabes et de l’islam.
La conquête arabe se traduit par la suite par la quasi-disparition de la religion chrétienne mais les juif de l’Empire et les berbères judaïsés subsistent en petits groupes, vivant protégés dans des villages isolés dans les zones montagneuses ou dans les territoires pré-sahariens. 

La découverte de la pierre tombale gravée en hébreu en 1329, en hommage à Mona, bat Amram par E.F. Gautier en 1903 à Ghormali en témoigne.

Une lettre d’Iskhak ben Ibrahim al Touaty, datée de 1235, trouvée dans la Guenizah du Caire fait encore état de l'intense commerce caravanier qui subsiste et qui transite par le Touat, entre Marrakech (safran, lingots d’argent et or africain …) et Fustat (Le Caire : perles, foulards et tapis d’Orient).

La stèle de Maïmon ben Shmouel ben Braham ben Kouby gravée en hébreu en 1390, découverte à Tamentit, confirme, elle, l’existence de rabbins érudits et de spécialistes en lithographie.

Mais en 1492, on assiste à la fin de cet Empire à une terrible coïncidence: Sous la menace, les juifs berbères se convertissent en masse à l’islam triomphant, d’autres juifs s’exilent vers le sud jusqu’au Ghana alors que ceux d’Espagne se convertissent au christianisme ou se réfugient en Afrique du nord.

Un incroyable ballet. Certains partent, d’autres arrivent. Comme si cette terre devait définitivement abriter des juifs. Qu’ils soient juifs ‘berbérisés’, berbères judaïsés ou espagnols.

Aujourd’hui, seules les vieilles grand-mères font état de la présence de juifs dans leurs ascendances. Cinq siècles ont passé, mais cette mémoire reste intacte si l’on en juge par un chant populaire d’Ahellil (hallelouia) en usage chez les Berbères Zénètes du Gourara. Il évoque la destruction  du Temple de Salomon (en 587 av. JC): il chante la gloire de Salamo (Salomon).

Bibliographie : Jacob Oliel  «Les juifs au Sahara, le Touat au Moyen Âge» et les «Juifs au Sahara, une présence millénaire»

Allouch (E)

Des Allouch, nous en retrouvons un peu partout dans la famille. Autant d’ailleurs du côté des Amram que du côté des Touitou. Un nom très présent dans l'est algérien, certes! Mais, comme c’est une constante dans nos familles, il ne faudrait pas minimiser la quasi absence d’exogamie. Mes deux grand-mères (Allouch les deux) sont apparentées, au moins, de deux façons différentes. Rien d’étonnant alors que notre arbre soit si difficile à établir puisqu’au lieu de s’élargir vers le haut, il se rétrécit. (Vous verrez sur la page « généalogie » que nous avons réalisé deux arbres distincts, l’enchevêtrement dû à l’endogamie rendait impossible la réalisation d’un seul et même arbre).

 

Quant aux origines de ce patronyme, il existe plusieurs thèses toutes aussi bien défendues les unes que les autres par les historiens :

 

Y Allouch serait un mot arabe dialectal d'origine mozabite (du M'zab dans le sud algérien) ou d'origine berbère, qui signifierait "petit agneau" ('alûsh).

 

Y Certains font dériver ce nom de celui d’Allalcha, tribu berbère originaires des montagnes autour de Constantine. Parmi les descendants de ces tribus berbères judaïsées, certains auraient été convertis de force sous les princes almohades, ce qui expliquerait que l'on trouve ce nom autant chez les juifs que chez les musulmans.

 

Y Dans l'Exode, on trouve le nom d'une oasis du Sinaï, dénommée Allouch.

 

Y Deux autres origines possibles: portugaise et espagnole. Après l'expulsion des juifs d’Espagne en 1492 et du Portugal en 1496, certains juifs émigrèrent en Algérie. Et parmi eux des porteurs du nom "Al Luz" (à la lumière).

 

Voilà, faîtes-vous plaisir et choisissez la thèse qui plait le plus.

 

 P.D.A. : Au 15ª siècle vivait à Constantine le dayan rabbi Moîse b. Salomon Allouche.

Les autres patronymes

de la famille

Abrahami : Dérive du nom de personne Abraham avec le suffixe -i ou -y ou -li ou -ly qui marquent l'appartenance à une famille ou une tribu.

Ammar :      Nom d'origine arabe ('amâr) qui désigne un persévérant, un fidèle, un bâtisseur, fermier. Ce nom peut signifier aussi âgé en arabe.

Atlan :         Vient de l'arabe 'atlân qui signifie de noble naissance.

Attali :         Vient d'un nom arabe 'âtal signifiant portefaix. Le suffixe -i indique l'appartenance.

Azoulay :    Dérive d'un nom berbère “izil” qui signifie bon. Il peut aussi signifier originaire de Tazoulaït dans la région de Braber au Maroc. Ou encore, nom de lieu berbère arabisé (Bouzoulay) en Oranie dans les hauts plateaux de Tiaret. Les membres de cette famille sont les descendants de juifs exilés d’Espagne en 1492 qui s’établirent à Fez (Maroc).

                    P.D.A. : L’ancêtre de cette famille vivait à Fez si l’on se réfère au témoignage de son petit-fils Abraham Azoulay, kabbaliste né vers 1570 et mort à Hébron le 6 novembre 1643.

Benkalifa : Vient de l'arabe khalif qui signifie souverain ou de khalifa qui veut dire remplaçant, successeur, qui assure la descendance familiale. C'est aussi un prénom votif donné à un garçon après la mort de son frère comme pour le remplacer. Porté essentiellement par les juifs oranais et marocains. Le préfixe bensignifie fils de.

Bensoussan : Nom associant le mot arabe ben (fils) et Soussan qui correspond à shôshannah (lys ou rose) en hébreu.

Chamouni : Provient de “chemoun” qui est le prénom Simon de l'hébreu shimôn (entendeur). C'est aussi le nom du deuxième fils de Jacob (cf. bible : Genèse 29,33)

Cohen :         Nom d'origine hébraïque signifiant prêtre, officiant (Kohen). Les descendants d’Aaron, dits Aaronides, portent tous ce patronyme.

Fhall :         Nom d'origine sicilienne voulant dire brèche ou d’origine arabe signifiant « doué de virilité ».

                    P.D.A. : Le rabbin Jacob Fhal à Constantine est du nombre des correspondants de Simon b. Sémah Duran.

Guedj :         Nom probablement d'origine berbère peut être lié à l'idée de déménagement; agaji=déménager en kabyle.

                    Peut également dériver de “guez” de l'hébreu gazaz qui signifie couper; soit de l'arabe qezzâz qui signifie marchand de soie.

Haddad :    Vient de l’arabe et signifie “forgeron”. Peut également signifier “celui qui pose les frontières” (Had : frontière).

                    P.D.A. : L’un des témoins d’une reconnaissance de dette datée du 25 mai 1451 du royaume de Navarre est un Isaac Hadida.

                    Abraham b. Juda Hadida, talmudiste espagnol du 15ª siècle est mentionné dans les « Réponses de Joseph de Trani»

Hanoun :     Provient de l'arabe hânî qui signifie tendre, affectueux, compatissant; le suffixe ‘ûn’ est une forme augmentative.

                    P.D.A. : Un avis de paiement de Jeanne, infante de Navarre en date du 4 mars 1413, est établi en faveur du médecin Maestre Hanon.

Mékies :       Dérive du nom d'une tribu berbère, les Mékies, qui vivaient aux environs d'Oujda au Maroc.

                    On peut aussi rapprocher ces noms de l'arabe mqâys qui signifie bracelets d'or ou d'argent (pluriel de maqiyâsa) et donc désigneraient un fabricant de bracelets.

Touboul :     Provient de tbûl (qui signifie tambour ou tambourin). Ce nom désignerait un fabricant ou un joueur de ces instruments de musique.

                    P.D.A. : Le nom de famille Boutboul est attesté au Maroc dès la première moitié de 16ª siècle.

                    Parmi les rabbins de Fès qui en 1698 signèrent une protestation contre l’usage de la dot, figure Slimane Boutboul.

                    Le rabbin Saûl José Abitboul est mort à Sefrou (Maroc) en 1809.

Tuil :           Nom d'origine arabe désignant celui qui est grand (tawil : long). C’est aussi le nom de lieu et de tribus de la Tunisie et du département de Constantine (Algérie).

                    P.D.A. : Le nom de famille Ben Touil est attesté au Maroc dès la première moitié du 16ª siècle.

Zerbib :         Vient de zahbib, qui signifie ‘petit’ en arabe dialectal.

                    P.D.A. : Mardochée Zerbib a été enterré à Alger le 24 août 1686.   

 

Site de la famille AMRAM

 

Réalisé par Valérie Amram d’Onofrio et Tarek  Ben Ameur