La faute aux juifs

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Zone de Texte: Un mois presque que j’entends et je lis des articles de la presse française et arabe et que je m’arrache les cheveux devant la bêtise ambiante, le manque d’objectivité, en bref, le mensonge et la propagande.

Alors il paraîtrait que les soulèvements en Tunisie et en Égypte (j’en conclue donc que c’est idem pour le Yémen, le Koweït, l’Algérie, le Maroc etc. etc.) auraient pour origine le conflit « Israélo-Palestinien ». [Oui, parce qu’on peut dire « israélo-palestinien » mais on ne peut pas dire le mot « Israël », on dit « entité sioniste ». Les dictats de la propagande ! En Français, ça fait genre j’ai du vocabulaire, mais en arabe, ça veut dire « je ne reconnais pas l’existence de ce pays »].

Or donc, comme je disais, le conflit qui secoue Israël depuis son rétablissement serait à l’origine des révoltes des pays arabes contre leur gouvernance. On devrait peut-être donc nous remercier, nous les juifs, d’être à l’origine de la libération du peuple tunisien et égyptien. Mais non, il s’agit encore et toujours de nous fustiger. Jusque-là , rien de nouveau sous le soleil de Satan, mais qu’aucun commentateur n’ait relevé la contradiction, me terrorise.

Parce que si je ne m’abuse il s’agit bien d’une révolte de deux peuples désirant la démocratie et son émancipation. Alors de deux choses l’une : soit on regrette ces soulèvements et alors Israël, « le grand responsable », est encore à condamner, soit on s’en réjouit et c’est un hommage qu’on doit rendre à l’État qui aurait provoqué cette révolte.

Enfin, moi je dis ça parce que j’ai été élevée dans les écoles de la République. Et bien entendu les différences culturelles font qu’on ne voit pas les choses de la même façon selon qu’on ait été nourri par Descartes ou par Ibn Khaldoun.

Donc selon nos journalistes, pardon, nos « Spécialistes du Moyen-Orient », le peuple n’est pas sorti dans la rue à cause de la crise économique qui a fait augmenté le prix des produits de première nécessité, ni parce qu’il en avait assez de vivre dans des dictatures bureaucratiques, ce n’est pas à cause de la torture, de la répression, des fortunes amassées par les dictateurs, etc. etc. non, rien de tout ça. Le peuple se révolte parce que le conflit entre « palestiniens  » et Israéliens n’est pas résolu et que « Gaza est un ghetto sous embargo ». Qu’on se le dise et qu’on se le répète parce que la méthode Coué a fait ses preuves.

Il est d’ailleurs bien connu de tous que Mohamed Bouazizi ne s’est pas immolé parce qu’il s’est senti touché dans sa dignité, mais parce qu’il désirait montré au monde sa solidarité avec les « palestiniens ».

Dernièrement encore, j’ai entendu dire sur TV5Monde que les Égyptiens sont descendus dans la rue, non à cause de la famine mais parce que « Moubarak collaborait avec Israël pour fermer ses frontières avec Gaza, tenant ce petit territoire en tenaille. Et ça le peuple égyptien ne pouvait pas l’accepter». CQFD.

Et moi qui m’imaginais que le peuple affamé ne supportait plus cette famille riche de 50 milliards de dollars. Quelle naïve j’étais ! Quelle vision réductrice j’ai du monde ! Pardon, pardon, Messieurs les « spécialistes du monde arabe » je n’avais pas pensé aux juifs. Je ferai mieux la prochaine fois, c’est promis.

Et puis j’entends et je lis que Bibi ne fait pas de déclarations parce que si les Frères Musulmans prennent le pouvoir, ça risque de chauffer pour Israël et  si c’est la démocratie qui triomphe, Israël préfèrera un traité de paix avec une démocratie qu’avec une dictature. Donc les Israéliens sont dans l’expectative et préfèrent ne pas se prononcer. Non mais je ne rigole pas. J’ai lu ça. Reprenez les dernières colonnes du Monde et vous verrez que ce n’est pas de la blague. C’est de l’analyse de « spécialistes ». Parce que, sérieusement, on est en droit de penser que si le peuple égyptien élit son représentant et que c’est celui-ci qui signe un traité de paix, pour les Israéliens c’est mieux ! En quoi je ne sais pas, mais c’est ce qu’on dit.

Le principe n’est pas de ne pas rentrer en guerre avec le voisin, ce qui est important pour l’Israélien c’est qui a apposé sa signature pour la paix. Là j’ai du sauté des lignes parce qu’on ne nous explique pas pourquoi. Faut avaler ça comme ça. Et sans huile de ricin.

Il n’est pas passé par la tête de ses commentateurs que l’État d’Israël n’intervienne pas  parce qu’il ne fait pas d’ingérence ou simplement parce qu’il ne veut pas, comme Alliot- Marie, proposer un jour la collaboration de l’armée française pour réprimer la foule et le lendemain féliciter l’armée égyptienne de la soutenir. Dit en passant, loin des considérations de ce qui est bien ou de ce qui est mal et en pure logique, il ne s’agissait pas non plus d’une gaffe, mais d’une réaction cohérente vu les relations extrêmement amicales entre le gouvernement français et Ben Ali. Là aussi tout le monde a crié au scandale alors que la pauvre réagissait dans le cadre du soutien que la France a toujours donné à la dictature tunisienne.

Et enfin, le pompon. On lit dans la presse arabe que le fantôme des islamistes n’existe que dans les esprits des Occidentaux mais certainement pas dans les pensées des peuples tunisiens et égyptiens. Un délire en somme qu’on se fait tout seul au nord de la Méditerranée. Peu importe l’exemple de l’Algérie, de la Mauritanie ou du Maroc. L’islamisme n’est pas un danger. On reconnaît certes que ce sont les seules forces de l’opposition aux anciens régimes qui sont organisées mais de là à penser qu’ils vont prendre le pouvoir, c’est du délire paranoïaque.

Le retour d’exil en Tunisie de Rached Ghannouchi, la demande de légalisation du parti Ennahda ne veulent absolument rien dire. L’incendie de la synagogue de El Hamma, non plus ! Les manifestations de rejet ou de soutien à l’islamisme non plus. Pure paranoïa occidentale je vous dis. Les Tunisiens et les Égyptiens ne craignent pas de récupérations antidémocratiques, disent les « experts ». Ce sont ces Français avec leurs esprits tordus qui voient du fanatisme partout, car le danger n’existe tout simplement pas. 

J’espère sincèrement ne pas avoir à regretter le départ de Ben Ali et de Moubarak et j’ai finalement plus d’espoir pour la Tunisie que pour l’Égypte. Le Tunisien est plus mûr que l’Égyptien pour envisager et gérer une démocratie. Ben Ali, dans la continuité de Bouguiba, avait finalement préparé  son peuple à la gouvernance parce qu’il l’avait formé. On ne compte que 19% d’analphabètes en Tunisie contre 71% en Égypte. Certes, en dehors de ces 57 millions d’analphabètes, il reste bien 23 millions d’Égyptiens sachant lire et écrire. Ce qui ne veut pas dire qu’il y ait 23 millions de Naguib Mahfouz, mais cela laisse un peu de marge pour trouver des gouvernants. Cependant, il faudra m’expliquer comment ne pas redouter ce qui va se passer lorsque ces 71% Égyptiens se présenteront devant les urnes.

Pour la Tunisie, on pouvait craindre au début des manifestations que le peuple ne se jette dans les bras des islamistes parce que c’était la seule opposition visible au RCD qu’ils connaissaient. Mais aujourd’hui on voit des partis de gauche se former, s’organiser, si bien que l’alternative existe. Ce qui n’est malheureusement pas le cas de l’Égypte  où je persiste à diagnostiquer un avenir bien difficile.

Je comprends donc pourquoi les manifestants égyptiens criaient dans les rues « D-ieu fais de nous des Tunisiens ». Ils ne parlaient peut être pas que de leur détermination…

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