Les musulmans finiront-ils par avoir un pape ?

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Depuis le début de l’année, on assiste à un imbroglio dans la diplomatie arabe. D’autre part, les pays arabo-musulmans privilégient le Coran comme source législative et reculent devant les islamistes tout en se lançant au niveau international dans une surenchère digne des années 80 pendant lesquelles les pays arabes rivalisaient pour savoir lequel allait être le plus radical dans sa condamnation de Salman Rushdie pour les « versets sataniques ». Pour certains, il ne s’agit que de querelles byzantines sans importance, de batailles de coqs sur fond de Charia. D’autres pensent qu’il faut relier les faits entre eux pour y découvrir une logique d’ensemble.

Tout ce cirque répondrait-il à la volonté de détenir le leadership du monde arabo-islamique, d’établir une sorte de Vatican musulman et de déterminer qui en sera le chef ?

Revenons donc un à un sur les faits.

Le roi du Maroc est au pouvoir depuis plus de 10 ans. Cependant il n’a toujours pas tenu ses promesses et ne réforme que partiellement le code de la famille qui devait assurer un statut égalitaire des hommes et des femmes. Tenant à se présenter comme le descendant de Mohammed, il durcit donc certaines lois directement inspirées de la Charia et interdit les prénoms non musulmans y compris pour les marocains nés à l’étranger et n’interdit pas la polygamie mais la réforme. Il adresse un message au Pape Benoît XVI, au secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon et aux membres permanents du Conseil de sécurité condamnant la rénovation d’une synagogue du XIXème siècle dans Jérusalem Est (Président du Comité Al-Qods oblige). Pendant la guerre de Gaza, le Palais  autorise plus de 40 manifestations dans 35 villes marocaines rassemblant plus d’un million de personnes, dans lesquelles il n’était pas rare de voir le triste spectacle de femmes voilées en pleine crise d’hystérie se rouler par terre en hurlant de douleur (on ne m’empêchera de penser que si leurs barbus honoraient convenablement leurs dames…). Et, last but not least, tout dernièrement (septembre 2009), ni le roi ni le gouvernement ne condamnent la profanation d’un cimetière juif à Safi et va jusqu’à le justifier par la «frustration du peuple face à la politique colonialiste de l’entité sioniste».

L’Iran, grand gardien de l’islam devant l’Éternel, met en cause l’arabité du Royaume du Barhein. Le Maroc bien décidé à contrôler, lui et non son rival, l’arabisme et l’arabité se présente comme justicier et suite à ces déclarations rompt ses relations diplomatiques avec l’Iran.

L’Iran se sentant menacée par l’arrivée sur le devant de la scène du Maroc, organise des attentats à Casablanca. Pour faire bonne mesure et frapper un bon coup, l’Iran organise aussi des manifestations sur fond social avec grève générale pour bien démontrer au Roi que c’est l’Iran qui dirige la rue et qu’il conviendrait donc de ne pas la contrarier.

En Égypte, une bombe faisant 60 victimes met le feu aux poudres. Les Égyptiens accusent directement le Hizbollah et l’Iran. Bon prétexte pour ceux qui prétendent détenir le leadership ou au moins y accéder en tentant de déloger l’Égypte de sa position prédominante dans la Ligue Arabe et de limiter son ‘protagonisme’ dans les négociations inter-palestiniennes et israélo-palestiniennes. Le ministre iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki demande alors aux dirigeants du Hamas «d'empêcher l'Égypte de jouer un rôle dans le dialogue inter-palestinien» (Al-Hayat Al-Jadida (Autorité palestinienne)).

L’Iran ne s’en tient pas là et tente de démontrer sa force en Arabie Saoudite en implantant des cellules terroristes chiites un peu partout sur le territoire saoudien. Une de ses cellules chiite est neutralisée par le royaume avec l’aide des Américains (un coup de main d’Obama après le baise main) mais on ignore combien sont encore actives.

La Mauritanie terrorisée, qui a déjà du céder au fondamentalisme en acceptant deux ministres islamistes prend position en renvoyant l’Ambassadeur israélien en poste à Nouakchott. Il faut dire que le chantage de la Libye était financièrement attrayant. Quoi qu’il en soit, Il vaut mieux renoncer aux hôpitaux que construisent les Israéliens que de mettre en danger le pouvoir récemment usurpé par les ‘golpistes’. D’autant que les castes supérieures se font soigner en Espagne ou en France, les Haratines qui eux n’en ont pas les moyens peuvent bien être sacrifiés.

La Libye, elle, est un peu déphasée. Certes, elle promet d’armer les volontaires qui iront se battre à Gaza mais paye cher son ralliement tardif au panislamisme (1991). De toutes façons, Kadhafi est occupé ailleurs. Il est tiraillé entre gagner sa respectabilité internationale et  démontrer comment il humilie les Européens en particulier la Grande Bretagne, la Suisse et l’Italie. Il accueille donc comme un héros le terroriste responsable de l’attentat de Lockerbie,  Abdelbaset al-Megrahi, fait plier les genoux de la Suisse après l’arrestation de son fils et finit par obtenir des excuses des Helvètes, il rend visite à Berlusconi avec une photo d’un leader indépendantiste libyen accroché à sa veste et fait attendre durant deux longues heures  la Chambre des Députés italiens. Finalement, il espère peut-être que les pays arabes prendront exemple et lui feront allégeance comme le font si bien les Européens.

L’Algérie, elle se fait toute petite comprenant la menace iranienne suite aux attentats dont elle fut victime. Elle sait que plus d’une vingtaine d’organisations islamistes ultra-radicales et terroristes revendiquent leur affiliation au Hezbollah et sont représentées dans des pays arabes pourtant peu suspects d’amitiés chiites-iraniennes: Arabie Saoudite, Irak, Koweït, etc.

La Syrie elle, se veut même chef d’orchestre. Elle, pourrait annexer le Golan sans trop de difficultés, mais voilà, on a beau se retrouver à sec à cause des Turcs qui pompent l’eau de l’Euphrate, souffrir de la sécheresse de l’Oronte et mettre en conséquence 20 millions de paysans au chômage (c’est ce qu’on appelle une révolution agraire réussie !), il n’est pas question de s’isoler du monde arabe en faisant la paix avec les Israéliens. On a donc passé son temps à fuir Tsipi Livni, la bien naïve, qui lui courait derrière pensant voir figurer son nom dans les livres d’histoire comme artisan de la paix israélo-syrienne.

Bachir el Assad préfère traquer les éventuels collaborateurs syriens à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, contrôler l’ensemble de l’administration du Liban, et financer les multiples télé-novelas exportées vers le maghreb dans lesquelles à chaque épisode, nous avons droit au couplet anti-sioniste. Il s’agit bien de montrer, là encore, que s’il y a bien un pays ennemi d’Israël, c’est la Syrie. N’est-elle pas la première à accuser les autres pays arabes de « normalisation (attatbiha) des relations avec le colonialisme juif » ?

La Turquie entre elle aussi dans la course avec son Premier Ministre dont la femme s’affiche voilée. En 2008, Erdogan fait voter une loi autorisant le port du voile à l’université, et tente de faire passer une loi criminalisant l’adultère (Erdogan abandonnera son projet sous les pressions de l’Europe dont  il espère être accepté comme membre).

Cela fait un peu désordre dans le pays de Atatürk qui se faisait champion de la laïcité mais qu’importe puisque tout est permis pour prendre sa place dans le monde arabe quitte à organiser un petit esclandre au forum économique de Davos (on s’énerve et se scandalise devant Shimon Peres et on est reçu en héros au retour au pays avec les félicitations du Hamas).

Le résultat est assez contradictoire. Car, d’un côté, les dirigeants arabes islamisent leur lois et se servent du conflit israélo-palestinien pour conserver le pouvoir dans leur pays en fournissant à leur peuple un responsable à leurs malheurs et éloignent ainsi du débat politique les éventuels questionnements sur leur légitimité au sommet de l’Etat. On somme, on dit au peuple, « ne pleurer pas sur votre sort, regardez plutôt ces pauvres Palestiniens dont on massacre les enfants ». Il est indéniable que ces cris d’indignation des dirigeant arabes unissent les peuples derrière eux.

Cependant d’un autre côté, cette course provoque de telles dissensions qu’aucune politique commune dans l’ensemble du monde arabe n’est possible, servant ainsi les intérêts des Israéliens qui n’ont pas besoin de diviser pour régner puisque roitelets et dictateurs s’en chargent eux-mêmes. On connaît les succès de la Ligue Arabe en particulier, cette convocation à un sommet d’urgence lancée en janvier 2009 qui s’est soldée par un fiasco général (il y avait ceux qui ne répondaient pas, ceux qui ne pouvaient pas pour agenda bouclé, ceux qui étaient fâchés avec le voisin, etc.). Ils ont beau s’être inventé un ennemi commun, depuis sa création la Ligue des États Arabes ressemble à un cirque dans lequel chacun plie son barda après avoir fait son numéro.

La solution est pourtant simple et clairement démontrée par la Tunisie qui, comme toujours, retire son épingle du jeu, préférant se concentrer sur la croissance économique du pays et qui, après avoir reçu des reproches des pays arabes de ne pas s’être manifestée pendant la guerre de Gaza, organise, histoire de faire plaisir, une petite manifestation encadrée par le RCD, le 1er janvier à 9 heures du matin !

Le résultat est édifiant : croissance de sa balance commerciale, augmentation des investissements étrangers, nouveau code du statut personnel interdisant la polygamie, la répudiation, autorisant l’avortement, progrès significatifs en matière scientifiques (la Tunisie est la première à fabriquer un anti-viral générique pour la grippe A),…

La course au leadership arabo-musulman utilisant le leitmotiv anti-israélien est donc un formidable instrument de retard social et économique et un incroyable facteur de division du monde arabe. Comme quoi, il y a une justice sur cette terre car pendant qu’ils guerroient, qu’ils s’agitent en tous sens, l’État d’Israël a encore de beaux jours devant lui (be ezrat Hachem).

Dommage pour le peuple arabe mais si c’est le prix à payer pour que nous existions…

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